Par un dimanche après-midi glacé mais ensoleillé, alors que nous étions de passage à High Wycombe, dans les collines des Chilterns, on en a profité pour aller se promener et découvrir quelques must see locaux.
On a donc mis le GPS direction West Wycombe pour faire un tour des attractions « touristiques » qui se regroupent là. Nous passons tout d’abord sous le Church Loft par une ruelle étroite qui nous amène ainsi à une fourche : à gauche l’entrée des Hellfire Caves, à droite le haut de la colline où se tiennent parking, pub, église et mausolée.Le Church Loft donne un aspect tout à fait pittoresque moyenâgeux à cette petite rue centrale du village de West Wycombe, d’ailleurs classé au patrimoine national (National Trust). Ce vieux bâtiment date en réalité du XVe siècle, et servait de refuge aux pèlerins qui venaient visiter l’église. Il a par la suite servi, entre autres, de prison, puis aujourd’hui de lieu d’évènements. Une partie du bâtiment surplombe d’une arcade la ruelle qui passe dessous. De ce même côté on aperçoit une tourelle ainsi qu’une horloge datant de 1668, restaurée en 2003 et fonctionnant toujours.Cette colline aurait été un haut lieu de la civilisation à travers les siècles : un camp de l’Âge de fer, un temple païen similaire à celui de Stonehenge durant l’Âge de bronze, puis un camp romain où fut bâti un temple. Par la suite, ce fut au tour des Saxons de s’y installer et d’y construire leur église, puis une tour de guet érigée par les Normands, avant d’être quasiment abandonnée suite à la peste bubonique à la moitié du XIVe siècle.
Au XVIIIe siècle, Sir Francis Dashwood fit exploiter la carrière de craie qui se trouvait là depuis la préhistoire en la transformant en mine et faisant d’une pierre trois coups : il creusa un réseau de tunnels inspiré de ses voyages en Italie, Grèce et Empire ottoman, il fit construire une grande route pour relier les villes de la région avec la pierre excavée, enfin il donna du travail aux habitants des environs décimés par le chômage et les mauvaises récoltes.
Dashwood fit bâtir ce qui est aujourd’hui le corps de l’église Saint Lawrence pour relier la tour de guet normande à la vielle église saxonne, ainsi que le mausolée, inspiré par l’Arc de Constantin à Rome. Ces deux édifices furent bâtis avec la craie et le silex de la région. L’appellation Saint Lawrence a pour explication qu’il était de coutume de baptiser ainsi les églises construites sur des sites païens.
À cette époque, Dashwood format une société secrète avec des politiciens et autres notables : Les Chevaliers de Saint Francis, rebaptisé par la presse le Hellfire Club. Ils utilisèrent les grottes pour leurs réunions lors desquelles ils pratiquaient orgies et magie noire. Le club fut démantelé en 1763 et les grottes abandonnées.
Le village entier fut vendu par la famille Dashwood à l’État en 1929 suite au crash de Wall Street. Après d’importants travaux, le National Trust reprit la gérance des lieux en 1934. En 1951, après plusieurs années de rénovation en profondeur, les grottes furent ouvertes au public comme attraction touristique et connaissent encore aujourd’hui un franc succès.
Ayant Jazz avec nous, on se gare en haut de la colline de West Wycombe pour descendre à pieds vers le mausolée.
Mausolée de Dashwood. Impressionnant édifice qui semble hors du temps et étrangement hors de place. Très esthétique mais sans Histoire, il renferme les cendres de la famille Dashwood. Il a servi de décor à quelques tournages de films et série. Cependant, sans Histoire, ne veut pas dire sans anecdote : au XVIIIe siècle, Paul Whitehead , un des meilleurs amis de notre cher Francis, lui offrit son cœur après sa mort. Ce dernier fut conservé dans une urne en marbre dans l’enceinte du mausolée, intégrant la visite guidée des touristes. Jusqu’à un jour de 1829 où il fut dérobé, et jamais retrouvé. On dit que le fantôme de Paul Whitehead hante encore le village et a été aperçu à différents endroits, y compris les grottes elles-mêmes, où l’urne originelle est désormais conservée.
La raison première (et unique ?) de ce mausolée aurait été le dernier souhait de George Bubb Dodington, un ami de Sir Francis, qui semblait tout aussi mégalomane que lui. Il aurait laissé 500£ de son héritage pour la construction d’un « arc, un temple, une colonne ou une pièce additionnelle ». Trois ans plus tard, en 1765, la construction commençait d’après les plans approuvés par Sir Francis Dashwood : un bâtiment hexagonal ouvert, avec à chaque face, un arc flanqué de colonnes toscanes. À l’intérieur, de nombreuses niches et alcôves pour pouvoir y placer des dalles, des statues ou des urnes commémoratives. On y trouve ainsi de nombreux noms de ceux qui auraient fait partie du Hellfire club ainsi que la femme de Sir Dashwood. Plusieurs bustes y avaient également été placés, dont celui du premier Francis Dashwood, mais ils ont tous disparu. Au cours du XIXe siècle, puis à nouveau dans les années 1950, le mausolée a subi plusieurs rénovations.
Après un tour autour du mausolée qui donne un bel aperçu de l’intérieur (on ne peut pas entrer dedans) et un arrêt devant la vue bien dégagée vers la ville et le parc en contre-bas, nous descendons l’abrupte chemin gadouilleux qui mène jusqu’aux grottes de Hellfire (les grottes du feu de l’Enfer, rien que ça !). Nous ne sommes pas les seuls à trouver le chemin escarpé : une poignée de promeneurs de tous âges rigolent ou se plaignent de l’état de la descente. Quelques dames d’un âge incertain se décident même à descendre le sentier boueux sur les fesses avant que le sentier ne les y oblige !
Nous arrivons devant l’impressionnante entrée des fameuses grottes. Construite à base de silex, pierre locale grandement utilisée pour la construction dans les Chilterns, le look façon église gothique donne le ton (si le nom ne l’avait pas encore fait). Ces grottes sont donc creusées par la main de l’homme en longs tunnels et différentes pièces. Un peu étrange pour une carrière de pierre.. ? L’un étant probablement une excuse pour l’autre, notre Sir obtint une aide de l’État pour mener son projet grandiloquent de délires basés sur la mythologie greco-romaine, ainsi peut-être, qu’un lointain rapport de défiance à l’Église. On y trouve donc le Styx, à 100 mètres en-dessous de l’église, mais aussi près de 500 mètres de galeries dédiées de nos jours à différents personnages associés à la construction du site et aux Dashwood. Il semble pourtant que le dessein réel de ce pseudo labyrinthe fut plus amusant. Gardons en tête que chaque homme politique de l’époque aimait à montrer sa richesse et sa puissance par des batailles de mondanités, dont semble-t-il, l’architecture et l’exotisme emprunté faisait partie. La mode était non seulement aux constructions exubérantes et cachées, mais également aux sociétés plus ou moins secrètes et anti-catholiques comme le Divan Club. Un peu de l’un… un peu de l’autre… et PAF ! ça a fait des Chocapic ! Dit comme ça, ça fait tout de suite moins Davinci Code et Illuminati ! Pour rester secrète, la société changeait régulièrement de nom : de Order of the Knights of St Francis en 1746, Brotherhood of St. Francis of Wycombe, Order of Knights of West Wycombe, The Order of the Friars of St Francis of Wycombe, ou the Monks or Friars of Medmenham en 1752. Originellement, elle devait ne pas dépasser les 12 membres, mais il semble que nombreux aient été les participants plus ou moins réguliers, certains prétendent que Benjamin Franklin lui-même aurait fait partie du Hellfire Club, d’autres défendent qu’il y était en tant qu’espion.Le motto du club était (en Français dans le texte) : « Fais ce que tu voudras » (Do what thou wilt).Durant leurs réunions, l’idée était donc de passer du bon temps, de rire, jouer, chanter, faire des calembours et autres jeux de mots et bien sûr jouir de toutes les bonnes chères. Ils pratiquaient des rites païens en l’honneur de Venus et Bacchus : il faut donc comprendre qu’ils se saoulaient aux tonneaux et forniquaient de jeunes « nymphes », chaque membre ayant le droit d’inviter une jeune femme « encline à la bonne humeur » à partager cette occasion. Ces réunions avaient lieux deux fois par mois et une fois par an une assemblée extraordinaire était organisée pour durer une semaine ou plus. Les membres entre eux s’appelaient « frères » et leur leader, nommé « Abbé » était élu tous les ans à l’occasion d’une fausse cérémonie religieuse dans l’église Saint Lawrence. Ils étaient vêtus tout de blanc et le leader de rouge. Des rumeurs de messes noires coururent dès la fin du XIXe siècle. La société secrète, désormais bien connue, disparu définitivement en 1766.
Il semble que ces grottes fassent partie des endroits où il vaut mieux déjà connaître un peu l’histoire des lieux et non se laisser aller à la découverte surprise, car on peut facilement être déçus si l’on ne sait à quoi s’attendre : ce ne sont donc en rien des grottes naturelles avec stalactites et stalagmites, mais bien des galeries creusées au décor totalement et volontairement mis en scène. Je vous laisse vous faire un avis d’après les critiques mitigées de TripAdvisor avant de vous décider à prendre les tickets.
Les chiens ne sont pas admis dans les grottes. Après une courte pause, on remonte en rebroussant chemin et en finissant notre promenade automnale en traversant le cimetière de l’église de Saint Lawrence.
Après toutes ces découvertes, nous retournons bien au chaud dans la voiture pour tenter de quitter le parking défoncé de nids de poules, que dis-je, de nids d’aigles ! Pas étonnant que toutes les voitures autour de nous soient des 4×4… Avec la plus grande délicatesse possible, nous nous extirpons de ce parcours du combattant pour 4 roues, et nous reprenons la route direction la maison pour un bon chocolat chaud tout en admirant le paysage toujours aussi clair et dégagé.La tour d’origine datant du XIVe siècle fut modifiée en 1752 par notre désormais bien connu Sir Francis Dashwood : rehaussée et chapeautée d’une boule dorée inspirée de la Punta della Dogana (la Pointe de la douane) de Venise. Toujours dans le but de rivaliser d’originalité avec ses pairs, mais aussi d’embellir son jardin, et d’attirer l’œil depuis la commune voisine de High Wycombe à 5 km de là.
À Camberley, aux environs de 50 km de notre église, se trouve une tour similaire décorée d’une boule dorée, celle de John Norris, un ami de Sir Francis, membre du parlement et bien sûr membre du Hellfire Club. La légende veut que Norris et Dashwood utilisaient le scintillement de leur boule respective pour s’envoyer des signaux héliographiques.
Une dizaine d’année plus tard, Sir Francis fit construire la nef de l’église pour 6 000£. Son design fut emprunté à celui du Temple de Bêl à Palmyre, construit au IIIe siècle avant notre ère et désormais éradiqué par l’État islamique. À l’époque de sa complétude, l’église était considérée comme l’une des plus belles d’Angleterre.